▲ Opportunity makes a thief.

On pourrait croire que le fait d'enseigner l'éducation sportive dispenserait de toute la paperasserie administrative et des examens à corriger, hors, ce n'est pas le cas. Qu'on le veuille ou non, il y a tout de même des notes à donner aux élèves, des cours à préparer et des cédules à organiser. Il s'agissait essentiellement de la tâche que j'avais du terminer ce soir, soit de noter les performances sportives des élèves. Jamais je n'avais éprouvé une aussi grande incompréhension que lorsque je devais inscrire ce genre de résultats dans un dossier. Formé pour enseigner l'histoire, je comprenais parfaitement le fonctionnement des bons vieux et indémodables examens écrits. Hors, évaluer la participation à une activité physique me semblait quelque peu arbitraire. Si un élève est loin d'être doué en sport, mais participe... on doit lui donner des points de participation pour l'effort? Si on suit cette logique, on devrait donner des points de participation aux élèves qui répondent à leurs examens écrits, cela même si leurs réponses n'ont ni queue ni tête. C'est la raison pour laquelle noter mes étudiants me prenaient autant de temps, soit une soirée entière pour évaluer un simple cours de ballon chasseur. Si certaines notes avaient été évidentes pour les quelques paresseux qui inscrivaient presque une cible dans leur dos pour aller discuter sur les bancs, d'autres étaient plus complexes. Bon, ce n'est qu'une note de participation à un jeu me direz-vous, seulement c'est tout de même une note qui apparaitra au bulletin en fin de semestre. Qu'est-ce que je n'aurais pas donné pour retourner à mes bonnes vieilles habitudes et raconter la vie de Napoléon Bonaparte, ou même la conquête de l'Amérique. Donner de vrais cours me manquait, mais je savais fort bien que ce n'était pas demain la vieille que j'allais ravoir mon poste, même si on me l'avait promis trois ans auparavant. Apparemment, il était plus aisé de trouver des enseignants d'histoire que des enseignements d'éducation physique et sportive. Je comprenais pourquoi, puisque c'était une vraie perte de temps. Enseigner un sport unique à un groupe doué dans ce domaine était une chose, mais essayer de faire bouger une bande d'adolescents qui n'attendaient que la sonnette pour s'emparer de leurs téléphones portables et texter leurs amis en était une autre. C'est triste à dire, mais c'est ennuyant à mourir.

Je venais donc de terminer mes évaluations et me rendais à ma voiture lorsque mon attention fut attirée par une fenêtre entrouverte. N'était-ce pas l'une des fenêtres du gymnase? Se trouvant à une hauteur de plusieurs pieds, ces fenêtres n'étaient accessibles qu'avec l'aide d'une échelle et ne se verrouillaient évidemment que de l'intérieur. Bien que je trouvais étrange le fait qu'elle ne soit pas, justement, verrouillée, je ne m'en suis pas inquiéter outre mesure. Soupirant, j'ai donc fait demi-tour, sachant pertinemment que le concierge avait terminé de verrouiller les salles à l'Ouest du lycée, se trouvant présentement dans la cafétéria, mangeant les restants de la nourriture préparer pour le repas de la cantine. Cet homme était un goinfre. Allez savoir pourquoi, il conservait tout de même son poste alors qu'il s'empiffrait à même la nourriture de l'école sans débourser le moindre sous, alors que j'avais, en quelque sorte, perdu le mien. C'était à n'y rien comprendre. Quoi qu'il en soit, je suis donc retourné à l'intérieur, veste de coton sur l'épaule. Ce n'est qu'en déverrouillant l'entrée intérieure du gymnase que j'ai cru percevoir un bruit sourd provenant de la salle. Arrêtant de bouger quelques instants, j'ai tendu l'oreille dans l'espoir d'entendre de nouveau, mais en vain. Est-ce que j'étais réellement entrain de me faire des films? L'école... les bruits dans le gymnase... j'étais bon à enfermer. Avec un haussement d'épaules, j'ai donc pénétré à l'intérieur de la pièce, me dirigeant d'un pas nonchalant vers le placard de rangement, pour y prendre une fichue échelle. Mais mes pas s'arrêtèrent lorsque je leva la tête, apercevant les doubles portes du placard grandes ouvertes. Haussant les sourcils, je suis resté immobiles avant d'ouvrir la bouche. '' Sylvio? '' Il s'agissait du concierge du lycée. Même si j'étais certain qu'il se trouvait à l'autre extrémité de l'école, j'avais bon espoir de me tromper et de le voir surgir du placard, un balai ou tout autre objet entre les mains. Qui d'autre pouvait bien trainer au gymnase à cette heure-ci, alors que les portes étaient verrouillées?

▲ Opportunity makes a thief.

Il était rare que je me balade ainsi, au vent, à la recherche de quelque chose à faire. Il était rare, dans mon cas, que je me trouve à l'école, surtout après les heures de cours. Il était rare que... Que dis-je? Il n'était pas rare du tout que je me trouve dans ce genre de position, surtout aux petites heures du soir, espérant être la dernière personne sur les lieux. Disons que j'avais terminé l'école, il y avait de cela un peu plus de 4 ans, mais que j'avais gardé une affection particulière pour... Non, mais vous rigolez? J'ai toujours détesté l'école et ce n'est certainement pas maintenant que je vais commencé à m'y promener. Les deux seules choses que j'adorais, à l'école, étaient toute simple: Les cours d'arts plastique et le professeur de mathématique, c'est tout. Point barre. J'ai toujours eu un faible pour les arts, que ce soit le dessin, la chanson ou encore, la peinture. Mais surtout, surtout, pour mon ancien professeur de mathématique. Âgée dans la vingtaine, disons qu'elle faisait tourner des têtes et que je n'étais pas le seul à baver lorsque nous avions un cours sur les fractions et les nombre dénominateurs. Sinon, et bien, l'école n'a jamais été mon genre. J'ai toujours préféré rester loin de tout ce cirque, espérant que les choses se tassent. Je n'ai jamais aimé mon professeur d'économie et encore moins celui d'histoire. Certaines personnes m'ont raconté, dans le passé, que le vieux grincheux avait été changé de place, travaillant maintenant avec les sports. Ce dernier, dans les sports? N'importe quoi! Il n'avait jamais été capable de se lever pour trouver le temps d'aider ceux qui ne comprenaient rien à sa manière d'enseigner, je le voyais mal maintenant faire de la danse et compagnie. Peut-être rester assis dans son bureau toute la journée, ça, c'était possible, mais pour le reste, je préférais repasser. Surtout de penser que Mr Hansen pouvant se trouver en short me levait le coeur et me donnait le tournis. Alors, l'imaginer courir tout autour d'un terrain de football ou autre, non merci, je tenais encore un peu à la vie. Mais je n'y tenais pas assez pour ne pas m'aventurer dans l'école, après les cours.

Depuis que je suis tout jeune, j'ai un grave problème. Enfin, les autres croient que j'ai un problème mais tant que je vais le nier, je n'aurais aucun problème avec tout ça. Il m'arrive, de temps en temps, d'emprunter certaines choses à des gens et de ne pas les rendre. Que ce soit où je travaille ou encore, chez des amis. Mais ce soir, nous nous sommes mis d'accord, mon meilleur ami et moi, de ne pas se mettre de limite et d'aller droit au but. Droit au but... Assez comique lorsqu'on pense que nous sommes dans l'école, dans le gymnase, entrain de mettre le désordre dans le placard où des professeurs imbéciles cachent leur ballon, leur équipement de sport et autre cochonnerie. Bref, le paradis pour deux gamins, le paradis pour nous deux. Au départ, Éric était censé faire le guet et ne pas bouger, chercher uniquement une façon de bien mettre en valeur nos conneries. Une sorte de vengeance, en quelque sorte. Éric avait coulé son année, à cause de ses mauvaises notes en histoire. Selon lui, si Mr Hansen avait pris le temps de lui expliquer certaines choses, comme le fait d'étudier était efficace pour passer ou encore, que de jouer à lancer des boulettes de papier durant tout le cours n'allait pas l'aider à avancer, le tout aurait mieux passé. Il aurait certainement pu passer son années. Bien des mois plus tard, Éric avait même pensé revenir contre ce professeur indigne et complètement taré. Mais il ne l'avait pas fait, trouvant que sa mère n'agissait pas de la bonne manière. Peut-être que s'il aurait commencé à étudier, que le tout aurait été moins pire. Mais bon, je n'avais pas plus étudié mais j'avais passé mon année... Peut-être parce que c'était quelqu'un d'autre qui faisait mes devoirs et mes travaux pratiques, mais ceci n'était qu'un simple détail, un tout petit détail de rien du tout. Comme si tout ceci avait vraiment de l'importance, du vrai n'importe quoi! Selon Éric et moi, c'était l'évidence même, Mr Hansen ne l'aimait pas et l'avait fait couler, tout simplement. Il ne fallait pas chercher plus loin que ça. Comment nous sommes entrés dans l'école? Mais... mais... mais par la porte d'entrée, voyons! Nous sommes directement entrés par la porte, se cachant dans le local de biologie, à côté de Miss Ringuette, la lapine, attendant sagement que tout ce calme et que tout redevienne normal, soit sans bruit, et sans élèves à perte de vue. Lorsque le tout fut fait, nous sommes sortis, nous dirigeant vers le gymnase, tout simplement. Rien de plus simple, lorsque l'on y pense à deux fois!

Il n'a jamais été rare de me voir où il ne fallait pas, comme ce soir. Lorsque j'ai entendu du bruit tout près de l'emplacement d'où je me trouvais, j'ai immédiatement pensé que c'était Éric pour ensuite, penser au pire. Et si c'était Sylvio, le concierge qui n'avait pas toute sa tête, qui avait décidé de faire une dernière ronde, avant d'aller s'empiffrer avec les restant de la café? Lentement, je m'étais caché derrière une grande boite contenant un bon nombre de ballon, espérant ne pas me faire voir... Je savais parfaitement qu'Éric essayait de trouver une manière d'ouvrir l'une des fenêtres de la grande salle, espérant que la pluie puisse entrer dans le gymnase et mettre ce dernier sans dessous-dessus. Ce n'était pas mon idée, mais bien celle d'Éric. '' Sylvio? '' Une chance pour moi, je n'avais pas bougé, essayant d'arrêter de respirer pour ne pas me faire repérer. Peut-être n'était-ce pas nécessaire, au fond, mais peu importe. Je ne voulais pas commencer à paniquer, me faisant ainsi repérer. Peut-être que si j’imitais la voix de Sylvio, l'espèce d’intrus allait disparaitre? Je n'ai tout de même pas pris de chance, restant de marbre un moment, retenant, par la même occasion, ma respiration pour ne pas me faire coffrer. C'était beaucoup mieux ainsi.